PEPE RODIER, l’ami de Madeleine et des pauvres de Madrid
C’est par Suzanne Perrin, la dernière responsable des « Equipes Madeleine Delbrêl », qui était alors Secrétaire Générale de l’association des Amis, que nous avons connu le père José Rodier. Originaire d’un quartier populaire de Paris, converti dans sa jeunesse, ce Fils de la Charité qui était en Espagne depuis 1964, était alors curé de Getafe, banlieue pauvre de Madrid où tous l’appelaient « Pepe » tant il était proche des gens. Il avait découvert Madeleine par un livre du cardinal Martini et, saisi par la force de son témoignage en milieu pauvre et athée, il était venu en pèlerinage à Ivry.
C’était une aubaine pour Suzanne car, malgré la publication dans les années 70 des premiers recueils de textes, Madeleine était méconnue en Espagne et nous y avions peu de correspondants (mis à part la théologienne Felisa Elizondo).
Et, de fait, encouragé par Suzanne, Pepe se mit avec zèle au travail pour faire connaître Madeleine en Espagne. Il mit alors en route une école de la prière et de la foi où l’on lisait des textes de Madeleine. Puis, peu à peu, avec l’appui de la Communauté San Egidio de Madrid et de sa responsable Tiscar Espigarres, un groupe se rassembla autour de lui : l’assistante sociale de Getafe, des responsables pastoraux et des prêtres (comme le père Antonio Rubio), des universitaires, des théologiens… Leur but : lire ensemble Madeleine et la faire connaître par toutes sortes de moyens grâce aux compétences et relations qu’ils rassemblaient. Une théologienne, religieuse du Sacré Coeur à Grenade, y contribua grandement : Marriola Lopez, qui préparait sa thèse sur la mystique au quotidien de Madeleine. Elle rendait compte au groupe de sa recherche et Pepe put s’appuyer de plus en plus sur elle sur le plan théologique. C’est elle qui représenta l’Espagne au colloque théologique du cinquantenaire de la mort de Madeleine en 2014 à l’Institut Catholique de Paris.
Chaque année au mois de septembre, Pepe revenait rue Raspail pour un échange avec nous : il nous racontait avec fierté les travaux et contacts de son groupe et leurs fruits ; nous l’informions de nos initiatives et surtout du chantier des OEuvres complètes. Le Comité Edition aurait bien aimé le voir entamer leur traduction, mais Pepe et son groupe trouvaient plus opportun d’éditer d’abord un livret de textes soigneusement choisis et introduits. Puis les choses évoluèrent : Nouvelle Cité signa le contrat avec Monte Carmelo pour la publication de La sainteté des gens ordinaires et sortit une nouvelle collection de petits livres qui plurent à Pepe.
Une grande étape dans les relations de l’association avec lui et ses amis fut au printemps 2015 : la venue à Madrid du père Jean-Pierre Gay, alors président - avec Béatrice Durrande et moi-même – à l’occasion de la présentation à la presse d’une traduction du livre de Gilles François et Bernard Pitaud La miséricorde selon Madeleine Delbrêl (Nouvelle cité). Nous eûmes la joie de connaître le groupe des « amigos » de Pepe qui nous avait préparé un impressionnant programme de visites et de conférences : Institut de Pastorale, séminaire, paroisses du Centre et de quartiers pauvres, Maison San Egidio, dîner avec l’Archevêque de Madrid. Nous avons pu constater la qualité du travail mené pour faire connaître Madeleine dans les divers milieux. L’activité d’édition notamment se développait avec la publication de plusieurs ouvrages grâce à l’ardeur et à la disponibilité de Napoléon Ferrandez pour les traductions. En outre, de nombreuses contributions -articles, conférences, cours – étaient apportées notamment par Pepe, Mariola Lopez et plus tard Sophie Mathis (dont le livre Madeleine Delbrêl et les auteurs du Carmel était traduit et publié).
J’ai eu la chance, pour les besoins de l’association et par amitié, de correspondre avec Pepe très régulièrement à partir de 2005 et pratiquement jusqu’à la fin ; l’un des derniers courriels reçus de lui était pour nous souhaiter un bon centenaire de la conversion de Madeleine. Il évoquait souvent, avec confiance et humilité, la poursuite du travail entamé. J’ai été frappée bien sûr par sa fidélité à Madeleine et à l’association, mais combien plus par son zèle envers l’Eglise des pauvres, sa sensibilité à la piété populaire et sa compassion pour toutes les misères qu’il côtoyait. Pepe, c’était un prêtre qui circulait parmi les gens simples qu’il fréquentait sur les places ou dans les cafés, tout débordant de bonté et d’amour.
Pepe, c’était un prêtre qui circulait parmi les gens simples qu’il fréquentait sur les places ou dans les cafés, tout débordant de bonté et d’amour.
Anne-Marie VIRY
« J’ai connu Pepe Rodier à Avila, en 2018, lorsque je faisais des études au CITeS, Centre International d’études sur Thérèse d’Avila et Jean de la Croix. Anne-Marie Viry m’avait donné son contact, et il m’avait fait la joie de sa visite, m’invitant ensuite à une rencontre avec le groupe d’amis à Madrid. A notre première rencontre, j’ai perçu la passion qui l’habitait, dans ces deux aspects, joyeux et douloureux : passion de l’Evangile à vivre et souffrance de voir que l’amour n’est pas aimé, que l’Eglise peine à se rendre proche des plus petits. Passion d’un homme cherchant à comprendre son temps, sentant déjà qu’il appartiendrait à d’autres d’en trouver les voies nouvelles pour faire passer l’Evangile, mais que sa part à lui était d’être là, donné, pour les pauvres de la banlieue de Madrid où il avait voulu rester, frère de chacun, allant à la rencontre du Dieu. On comprend combien Madeleine Delbrêl avait pu le nourrir dans son apostolat et sa prière, figure prophétique pour l’Eglise de notre temps, unifiant l’amour de Dieu et l’amour des hommes dans une vie donnée à la rencontre des autres. C’est pourquoi Pepe désirait transmettre l’expérience et le message de Madeleine et cela se traduisait par son engagement à réunir un groupe à Madrid pour favoriser sa connaissance et le partage entre ses membres, pour un meilleur service de l’Eglise et de la société. Des amis dont la diversité et l’engagement concret auprès des plus pauvres m’ont marquée. Merci Pepe pour ce don sans réserve au service de Celui qui t’a rendu libre, et merci d’avoir permis qu’en Espagne, Madeleine se fraie un chemin humble mais sûr auprès des plus petits, au coeur de l’Eglise. »
Sophie MATHIS
« De passion en Passion ». Deux moments de la vie de Pépé Rodier dans lesquels j'ai pu l'accompagner décrivent l'itinéraire d'une vie donnée. Il y a des années, nous avons pu partager la présentation d'un livre de Madeleine Delbrêl. Sa contribution, en tant que personne ayant connu Madeleine, exprimait la passion avec laquelle Pepe a vécu la vie. Peut-être que nous ne nous souvenons pas des paroles qu'il a prononcées, mais la passion avec laquelle il a exposé le don d'une vie dévouée reste dans notre mémoire. La dernière fois que j'ai pu le voir, la vie de Pepe était l'expression de la Passion de Jésus. Il pouvait à peine marcher et nous nous sommes assis pour discuter d'une conversation qu'il avait du mal à suivre. La vie de Pépé exprime que la passion pour Jésus-Christ, pour l'Église et pour ceux qui l'ont précédé, est la préface de la Passion, c'est-à-dire de l'assimilation au mystère de la rédemption de Jésus-Christ. »
Napoleón Ferrández Zaragoza. Prêtre, professeur de théologie biblique à l'université de San Dámaso de Madrid, et traducteur d'un bon nombre d'ouvrages et études sur Madeleine Delbrêl, dont la bibliographie de Gilles François et Bernard Pitaud.