1952-1954 : Crise des prêtres-ouvriers

   Madeleine Delbrêl a connu de très près la crise des prêtres ouvriers. On peut même dire qu’elle l’a vécue de l’intérieur. Par ses liens avec la Mission de France dès 1942 et la Mission de Paris, elle participait au gouvernement apostolique qui soulevait alors l’Eglise de France et avait favorisé l’envoi de prêtres au travail, au contact du prolétariat, pendant et surtout après la guerre. Ses relations suivies, surtout à partir des années 1950, avec Jacques Loew, prêtre docker à Marseille, la rendaient proche non seulement des prêtres ouvriers de la banlieue parisienne (dont certains vivaient et travaillaient à Ivry sur Seine), mais aussi de la manière particulière dont l’expérience était vécue à Marseille dans le quartier de la Cabucelle par l’équipe constituée de religieux et de prêtres séculiers à laquelle Jacques Loew appartenait.

   Madeleine a beaucoup réfléchi sur l’expérience et la crise des Prêtres Ouvriers. Elle a produit entre 1952 et 1959 un certain nombre de documents dont certains furent écrits en collaboration avec Jacques Loew.

   Convaincue que le dynamisme apostolique dont était issue l’expérience ne devait pas s’éteindre, elle était cependant consciente d’un certain nombre de risques et d’ambiguïtés, en particulier en ce qui concernait les relations avec le marxisme et les marxistes au cœur du combat ouvrier par la justice. Elle pensait que l’obéissance aux décisions romaines ferait passer ce dynamisme au creuset de la souffrance dont il ressortirait plus fort et plus fondé. Tendue entre son obéissance à l’Église et sa communion au souci apostolique des Prêtres Ouvriers, elle cherchait d’une part à faire remonter vers Rome et vers les évêques ce qui pouvait éclairer l’autorité ecclésiale sur l’expérience des prêtres-ouvriers  et d’autre part à aider ceux-ci à rester dans la communion de l’Église. Toute cette période fut pour elle une période à la fois douloureuse et très engagée.

 Le 6 mai 1952, Madeleine part prier toute une journée à Saint Pierre de Rome. Elle est convaincue que le soubassement de la prière de tous les chrétiens manque aux prêtres ouvriers. Elle vit intensément son appartenance à l'Église et douloureusement la crise des prêtres ouvriers qui aboutira à leur interdiction en mars 1954.